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*Mohammed Benfares |
(1)Le Haiku sur la Scène Arabe
Dans cet article succinct traitant du haiku dans le
monde arabe, nous mettrons l’accent sur trois points selon que l'écrit vient dans le cadre du Saijiki Automne:
1. Bref aperçu historique
2. Haiku local
3. Haïku d’automne
1. Aperçu historique
Le haïku présente
une tentation pour de nombreux amoureux de la concision, brièveté et nouveauté
poétique. C’est pourquoi le haïku est devenu une pratique internationale soutenue
par des efforts visant son assimilation par les traductions, études et
commentaires en créant associations et clubs et en organisant des rencontres nationales
et internationales. Il y en a même qui sont allés jusqu’à « la
nationalisation » en parlant du haïku « arabe », « tunisien »,
« égyptien » « algérien » saoudien, « syrien » ...
Par ailleurs,
certains prétendent que le haïku ne peut être que japonais, parmi eux Bany’a
Natsushishi et le japonisant Mohamad Oudaima. Il n’en demeure pas moins que sa pratique
à l’étranger ne signifie guère une assimilation suffisante du genre, mais une
tentative de réception et de dégustation d’un genre à la poéticité à la fois
nouvelle et attrayante. Il va de soi que l’intégration du haïku sur le sol
arabe ne doit passer par tordre le cou du genre en changeant ou déformant son
nom ou fausser ses fondements propres et ses caractéristiques expressives,
structurelles, poétiques et esthétiques, mais par l’insertion d'éléments locaux
naturels ou culturels en adoptant une langue épurée des superflus et des métaphores
déformant la réalité des choses concrètes.
Par ailleurs, le
penchant dominant aujourd'hui - et malgré un certain empressement et une
tendance d’usage d’une langue métaphorique et bavarde- vise à préserver les
règles de base du haïku : scène concrète, concision, brièveté, et langage
simple.
Le haïku s’est
posé tardivement sur la terre arabe, un siècle environ après son atterrissage en
Occident, et ce grâce à la traduction de l’anglais et du français puis
directement du japonais par le syrien Mohamad Oudaimah qui a traduit les œuvres
des grands maitres haïku du Japon. Plusieurs groupes et clubs arabes œuvrent
pour diffuser le genre. Parmi eux, le groupe haiku que j’administre depuis
2017:
J'ai par la suite
mis en publication une revue trimestrielle de haiku en 5 langues : (https://drive.google.com/file/d/1G2enx4ISApI_mnA9fMBEDAqeSFuhEw4S/view),
Et crée un site Internet dédié à la promotion du haïku
classique, moderne et contemporain en 5 langues : (https://www.haikuworld24.com/)
Le nombre de haijins ne cesse d’augmenter chaque jour
et le genre est en plein essor par la publication des recueils, anthologies et la
prolifération des groupes Facebook. Certains poètes (classiques et modernes) se
sont convertis en haijins très actifs. Le monde arabe compte quelques 70
haijins dont une trentaine (hommes et femmes) au Maroc écrivant en : arabe,
français, espagnol et anglais. Mais le nombre des lecteurs progresse
incessamment.
2.
Haiku local
On entend par Haiku Local, le haiku arabophone intégrant
des éléments socio-culturels, linguistiques et naturels sur place :
Haijin |
Haiku |
haijin |
Haiku |
Aissa
Abarkan/ Maroc |
averse- la feuille du
palmier dégouline en vacillant |
Amina
Hatimi/ Maroc |
pépiements - sur les
feuilles d’olivier siffle le thé des
cueilleuses |
Faten
Anwar/ Palestine |
la nuit le minaret en
seul à proximité
de la lune |
Malika
El Bouzidi / Maroc |
canicule- un turban
blanc couvre la tête du
vieillard |
Khadija
Wannas/ Maroc |
mariage de
village- sous les
sabots se fanent les anémones! |
Sameh
Derouich/ Maroc |
bord du puits le seau
accueille la pluie |
Mouina
Al Achari/ Maroc |
chergui sous le saule
s’étire un vieux chat |
Chahnaz
Youssef/ Syrie |
automne un vent
soudain déracine le vieux
olivier d'Afrine (en Syrie) |
3.
Haiku d’automne
Les haijins arabophones composent des haikus avec
kigos saisonniers. Et comme cette feuille vient dans le cadre du Saijiki d'Automne, voici des exemples avec le kigo
(Automne) :
Haijin |
Haiku |
haijin |
Haiku |
Zaya
Youkhanna/ Syrie |
le vent
d'automne s’harmonisant
à la flûte du
berger |
Hayat
Ahmed /Syrie |
feuille
volante- derrière
l'océan tombe le
soleil |
Harba
Al-Hosari - Syrie |
procession les feuilles
accompagnent le cercueil |
Mohammed
Benfares/ Maroc |
mer d'automne dans le
panier du pêcheur murmure l'eau |
Faiza
Ouachtati/ Tunisie |
première
pluie sous la coquille
s'étire un escargot |
Chahra
Boudiba/ Algérie |
exode le brouillard automnal couvre le sentier des coquelicots |
Jamal
Mohamed/ Syrie |
coucher
automnal- avec un seul
poisson revient la
barque |
Olfa
Kchouk Bouhadida/ Tunisie |
nuit
d'automne ~ au chevet de
mon lit les couleurs
du passé |
4.
En guise de conclusion :
Le haiku sur la scène littéraire arabe est en mode actif
et évolutif. Ceux qui parlent des langues étrangères sont les plus aptes à
intégrer plus vite le genre vu l’impact des échanges et les participations aux
groupes et anthologies universels. Toutefois il reste beaucoup à faire
notamment dans la reconnaissance officielle du haiku par les autorités en
octroyant des subventions aux activités et en introduisant le genre dans le curriculum
de l’éducation.
Par ailleurs, la collaboration avec les parties
étrangères, notamment japonaises est à même de faciliter l’accès et l’assimilation
du haiku et de faire connaitre la production arabophone en la matière au Japon.
Mohammed Benfares -Maroc, Haijin, traducteur et directeur du Groupe, Revue et Site Haiku World (H W)*
22 Décembre 2024
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(1) Article écrit sur demande de Prof. Mine Mukose, directrice du groupe Haiku Garden pour être publié dans le cadre du Saijiki Automne Fevrier 2025 au Japon.